Blotti dans un berceau de verdure, tel un bijou en son écrin, le château de Grosbois demeure hors du temps, préservé des atteintes et folies de la Capitale pourtant si proche. Sa silhouette faite d’harmonie et d’équilibre se dessine à l’orée du bois au bout d’une allée de marronniers bordés de pelouses. C’est une ravissante résidence d’Île de France de style Louis XIII, avec ses hauts toits à la Française en ardoise grise, son fronton triangulaire et sa façade de brique et coins de pierre blonde que le couchant embrase.
Le destin de ce château fut, nous dit-on, d’abriter l’histoire sans jamais la retenir, laissant les noms de ses propriétaires illustres se succéder en pointillé, retraçant ainsi plus de quatre siècles d’histoire de France. A l’intérieur, la demeure conserve toujours les vestiges de ce passé prestigieux, offrant ainsi une succession de salons dont la décoration porte la marque de tous les grands styles français.
Un musée à la gloire des courses hippiques au trot complète cet ensemble depuis 2010 et nous renvoie à son activité actuelle.
Figure 1 : vue du château de Grosbois (©JLL-LeTROT)
I. Un passé royal :
Implanté sur le domaine royal, Grosbois-le-Roi n’est autre qu’une petite bourgade environnée de parcelles agricoles et de forêts giboyeuses auxquelles il doit son nom. C’est ainsi qu’il est cité pour la première fois au milieu du Moyen-Âge lorsque le roi Philippe-Auguste le cède, en 1190, à l’abbaye Saint-Victor de Paris. Les terres de Grosbois sont par la suite érigées en curé puis en seigneurie. Au XVIème siècle, un certain Raoul Moreau, trésorier de l’Epargne à Paris achète une maison et quelques arpents de terre à Grosbois-le-Roi dont il dote sa fille, lors de son mariage avec le ministre des finances d’Henri IV, en 1597. Le nouveau propriétaire Nicolas de Harlay est à l’origine du château actuel.
II. Un petit bijou architectural :
En surintendant des Bâtiments du roi, Nicolas de Harlay, baron de Sancy imagine pour Grosbois un projet d’aménagement grandiose comprenant une demeure seigneuriale cernée de douves et d’importants bâtiments de ferme. La commande des travaux est passée à un certain Florent Fournier, maître d’œuvre et entrepreneur à Paris qui s’illustre sur plusieurs chantiers royaux dont celui du Louvre et de Fontainebleau. On perçoit dès lors, derrière cette élégante bâtisse de briques rouges et crépi battu, l’influence de l’une des plus grandes dynasties d’architectes royaux. En effet les travaux de Jacques II du Cerceau sont perceptibles dans la symétrie rigoureuse de ce plan en U enveloppant la cour d’honneur, dans le jeu des toitures qui différencient chaque espace et surtout dans ce corps de logis évidé en demi-lune que l’on retrouve à la Cour des Offices de Fontainebleau. Cette façade incurvée est remarquable pour l’époque car elle invite le visiteur à pénétrer « dans une sorte de perspective panoramique du plus bel effet théâtral ». Malheureusement, Nicolas de Harlay n’a ni le temps, ni les moyens de voir se concrétiser son projet initial. Seul le bâtiment central en fond de cour et ses deux tours d’angle sont construits lorsque le château est racheté par le duc d’Angoulême, en 1616. Charles de Valois, duc d’Angoulême l’agrandit et y ajoute les deux ailes en retour sur cour ainsi que les deux pavillons latéraux qui lui donnent sa physionomie actuelle.
Figure 2 : vue de la façade incurvée en demi lune du Château de Grosbois (©JLL-LeTROT)
III. Grosbois à travers les siècles :
Si l’histoire prestigieuse de Grosbois s’annonce avec la construction du château par Nicolas de Harlay, celle-ci est vite mise entre parenthèses par la disgrâce du nouveau châtelain en butte à l’hostilité de la maîtresse royale. La vie y reprend son cours sous Louis XIII, quand Charles de Valois, prend possession du domaine et entreprend un vaste programme d’embellissement. Il y mène alors grand train. Le Domaine passe ensuite entre de nombreuses mains dont celles, en 1718, de Samuel Jacques Bernard, fils héritier d’un richissime banquier puis dans celles de Chauvelin, en 1731, puissant Ministre des Affaires Etrangères de Louis XV. Au crépuscule de l’Ancien Régime, le frère du roi et futur Louis XVIII en est propriétaire et y coule des jours tranquilles jusqu’à son départ précipité lors de la Révolution. C’est Barras, véritable roi de la première République qui y prend alors ses appartements. Il y reçoit en seigneur, la société la plus brillante de Paris. Mais Bonaparte et le coup d’état du 18 brumaire, le forcent à l’exil. Barras cède alors la place au général Moreau, qui en rival malheureux du 1er consul ne tarde pas à subir le même sort. Le ministre de la police, Joseph Fouché sert ensuite d’émissaire et revend le château au Maréchal Berthier, en 1805. Grâce à lui, le château est restauré, remeublé et transformé en l’une des plus belles demeures de l’Empire. Mais le déclin survient et Grosbois s’offre comme une étape sur la route de l’exil pour l’Impératrice Marie-Louise et le petit roi de Rome. Le domaine demeure pourtant contre vents et marées dans la famille du maréchal Berthier durant plus de cent cinquante ans.
Figure 3 : Portait d’Alexandre Berthier par le Baron Gros (©JLL-LeTROT)
Figure 4 : Portrait du 2ème Prince de Wagram avec sa fille par Winterhalter (©JLL-LeTROT)
IV. Un relais de chasse…
Le château de Grosbois est conçu dès l’origine comme une demeure de chasse dédiée à cet art dont la noblesse s’est fait une passion exclusive. Des bois giboyeux qui l’environnent jusqu’à la décoration intérieure du château, tout semble vouloir rappeler la fonction première de cette campagne seigneuriale. L’allée centrale qui conduit au château n’est-elle pas flanquée de deux monumentales sculptures de vénerie représentant d’un côté l’hallali au cerf et de l’autre l’hallali au sanglier ? Dès l’entrée les massacres de cerfs accrochés au mur du grand hall sont autant de trophées exhibés par les hôtes successifs de ces chasses. Dans le salon des chasseurs, la cynégétique est à nouveau mise à l’honneur par deux grands peintres du XVIIIe siècle, spécialistes du genre : François Déportes et Jean-Baptiste Oudry. Au XIXème siècle, sous l’impulsion du Grand Veneur de Napoléon Ier, le domaine de Grosbois est connu comme la plus belle chasse de l’Empire. Grand amateur de vénerie, Alexandre Berthier y organise des chasses très réputées pour l’Empereur et quelques rares privilégiés. Il transmet ensuite sa passion à son fils, le deuxième Prince de Wagram. Une stèle érigée dans le domaine commémore encore l’endroit où son fils tira, enfant, son premier chevreuil. Il continue d’ailleurs à entretenir un équipage de vénerie alors que son successeur le troisième Prince de Wagram délaissera la chasse à courre au profit de la chasse au fusil. Aujourd’hui cette pratique ancestrale se maintient à Grosbois de manière exceptionnelle et des battues sont régulièrement organisées pour limiter la prolifération des sangliers ainsi que des reprises de chevreuils.
Figure 5 : Salon des chasseurs du château de Grosbois (©JLL-LeTROT)
V. Des collections inestimables…
Les propriétaires de Grosbois ont su préserver le caractère unique de cette demeure familiale ainsi que l’ensemble de ses collections. Située dans l’un de ces pavillons d’angle, l’actuelle salle à manger témoigne, encore aujourd’hui, du faste des réceptions données par le duc d’Angoulême au XVIIe siècle. Son somptueux décor de fresques peintes d’Horace Le Blanc orne toujours ses murs et plafonds. Une galerie flanquée d’étranges portraits de mamelouks nous conduit ensuite vers le salon de passage dont la décoration porte la marque du règne de Louis XVI. Entouré de boiseries peintes et de mobilier estampillé Jacob nous y retrouvons l’atmosphère feutrée et intimiste des salons d’autrefois. Nous sommes ensuite introduits dans le bureau du Maréchal Berthier qui se distingue par la solennité et la préciosité de son mobilier en acajou et bronze doré. Les grands ébénistes et bronziers de l’époque y sont représentés : Bellangé, Jacob, Thomire… A l’autre extrémité, le salon Régence, avec ses boiseries blanc et or dissimule un astucieux mécanisme de miroir coulissant et deux beaux dessus-de-porte attribués à l’atelier de Boucher. Au XIXe siècle, le Maréchal Berthier marque du sceau de l’Empire la décoration de sa demeure et fait notamment réaliser le salon de l'Empereur et la longue galerie des batailles. Cette dernière est ornée d'un cycle de huit tableaux de batailles victorieuses et de bustes représentant les maréchaux autour de Napoléon. Son fils, Napoléon Berthier, aménage plus tard la bibliothèque qui rassemble plus de 3.000 ouvrages et cartes…Le deuxième Prince de Wagram et son épouse immortalisés par Winterhalter trônent de part et d’autre de la cheminée.
Figure 6 : Galerie des batailles du château de Grosbois (©JLL-LeTROT)
IV. Un décor de film :
Outre le film de Roger Richebé ‘Madame sans gêne’ (1941) avec Arletty dans le rôle-titre, le Château de Grosbois a figuré dans de nombreux longs-métrages ou documentaires consacrés à l’histoire ou à l’activité hippique.
Il a également été choisi comme lieu de tournage d’un certain nombre d’œuvres de fiction, la plus célèbre d’entre elles étant sans conteste 'Le Comte de Monte Cristo' réalisé par Josée Dayan au début des années 1990, avec Gérard Depardieu en acteur vedette. Vous pourrez y reconnaître certains salons du château tels que la bibliothèque.
Plus récemment, Guillaume Gallienne tourne dans le manège de Grosbois et ses abords extérieurs, une des scènes cultes de son film autobiographique ‘Guillaume et les garçons à table’, sorti en novembre 2013.
Figure 7 : Bibliothèque du château de Grosbois (©JLL-LeTROT)
V. Le musée du trot :
Depuis 2010, le château de Grosbois abrite également le plus important musée d’Europe consacré à l’histoire des courses au trot. Jusqu’alors, la France, première nation au monde en matière de trot, ne possédait pas de musée dédié à cette discipline. C’est désormais chose faite. Situé à quelques kilomètres seulement de l’hippodrome Paris-Vincennes, le musée dispose d'une superficie d’environ 600 m2 entièrement consacré à la mémoire de ce sport. Il retrace ainsi 3 000 ans d’histoire des courses attelées : des olympiades à nos jours, de manière moderne et vivante grâce à des collections riches et variées composées notamment de tableaux, gravures, bronzes, photographies, maquettes et dioramas. Il met en avant, les hommes et les chevaux qui ont marqué l’histoire de ce sport, mais aussi les hippodromes et leur architecture. Aucun thème n’a été écarté. A ce voyage dans l’histoire viendront ainsi s’ajouter la présentation de l’élevage (avec notamment un système informatisé de recherches généalogiques), de la compétition, des chevaux célèbres comme des hommes qui les ont conduits à la victoire, des métiers du trot… A la fois humain et ouvert aux technologies les plus novatrices, le musée a été enrichi de bornes vidéo permettant de visionner sur place les principales courses françaises depuis près de quatre-vingt ans.
Le musée du trot de Grosbois est également conçu comme un véritable centre culturel avec un centre de documentation et une salle d’exposition temporaire réservée aux artistes contemporains, qu’ils soient peintres, sculpteurs ou photographes.
Figure 8 : Salle de l’évolution de l’attelage de course, musée du trot de Grosbois (© JLL-LeTROT)
Figure 9 : Salle d’exposition temporaire du musée du trot (© JLL-LeTROT)
Centre de Documentation et Archives des courses au Trot.
Ouvert aux passionnés, ce centre de documentation et d’archives du trot s’est doté d’une salle de consultation afin de mettre ses sources documentaires à la disposition des chercheurs qui le souhaiteraient. Alain Pagès conservateur du musée du trot de Grosbois trie, classe et conserve des fonds d’archives et de bibliothèque rassemblant plus de 2.000 ouvrages et documents, du XIXème siècle à nos jours.
· Fonds d’archives administratives de la Société-Mère depuis sa création en 1864 jusqu’à aujourd’hui.
· Fonds éditorial de la SECF : Stud-book, Annuaires, Bulletins, Documentation Spécialisée.
· Fonds de Journaux et revues hippiques en relation avec les courses et leur histoire :
o La France Chevaline,
o Le Sport Universel Illustré,
o Le Trotteur,
o Le Jockey,
o Auteuil-Longchamp,
o La Veine,
o Paris Sport,
o Sport Complet,
o Week-End,
o Paris Turf,
. Ouvrages généraux sur le cheval et l’équitation.
Figure 10 : Lithographie de Currier and Ives 'Fast trotters on Harlem Lane N.Y.'